L’article laborieux, publié sur Le Dénonciateur 224, intitulé
JUSTICE
Mise au point : Une lecture biaisée de l’affaire Ahmed Kanté : quand l’oubli volontaire d’un document falsifié fausse le récit
« Les procédures judiciaires se poursuivent contre Ahmed Kanté dont l’innocence demeure incertaine et éthiquement contestée » se veut une plongée « sérieuse » dans une affaire judiciaire complexe. C’est à se demander si l’auteur n’a pas confondu journalisme d’investigation et scénario de série dramatique, où l’on choisit soigneusement les rebondissements… et les oublis.
Car il faut le rappeler : Madame Fatoumata Binta DRAME, grande absente de l’article, est poursuivie devant le Tribunal de Première Instance de Dixinn pour faux et usage de faux en écriture privée et tentative d’escroquerie. Rien que ça !
Le document au cœur de cette affaire ? Un courrier daté du 10 avril 2023, prétendument signé par feu Claude LORCY et adressé au Président de la République. Un détail croustillant : la signature ne ressemble en rien à celle que feu LORCY apposait sur les documents officiels de la société AGB2A. Mais bon, peut-être que les fantômes changent de style graphique.

CI-DESSOUS LA SIGNATURE ATTRIBUÉE À FEU CLAUDE LORCY SUR LE COURRIER DU 10 AVRIL 2023 QU’IL AURAIT ADRESSÉ AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Ce courrier, dont l’authenticité est contestée dans le dossier de Dixinn, a pourtant été utilisé comme pièce maîtresse devant la CRIEF pour engager une procédure contre Ahmed Kanté. Et là, miracle : un document douteux devient une « preuve solide ». L’article, lui, préfère ne pas s’attarder sur cette gymnastique juridique. Trop technique, sans doute.
Ajoutons à cela les multiples demandes de renvoi formulées par Madame DRAME, qui ont transformé le calendrier judiciaire en jeu de patience. Il aura fallu que le tribunal menace de refuser la parole à ses avocats pour qu’elle daigne se présenter à l’audience du 20 octobre 2025. Mais ce genre de péripétie ne semble pas digne d’intérêt pour Le Dénonciateur 224, qui préfère s’interroger sur les « zones d’ombre » d’Ahmed Kanté, tout en gardant les projecteurs éteints sur les manœuvres procédurales de l’accusatrice.
Enfin, le plus savoureux reste cette incohérence : comment un document dont l’authenticité est contestée dans une autre juridiction peut être jugé pertinent dans une procédure sérieuse ? Une sorte de gymnastique, où l’on croit à un faux dans un tribunal, mais on le sanctifie dans un autre. L’article, fidèle à sa ligne éditoriale sélective, ne s’en émeut pas.
Et ce n’est pas tout. L’auteur affirme que « ces procédures n’opposent pas directement ABC ou Mme Lorcy à Kanté, mais bien l’État guinéen, représenté par deux procureurs différents, contre Kanté, Lorcy et Rogers ». Or, ce n’est pas l’État qui a porté plainte contre M. Ahmed Kanté. Cette affirmation est donc erronée et induit le lecteur en erreur sur la nature même de la procédure.
Autre contrevérité : « Tous les témoins, y compris SD-Mining et Claude Lorcy, ont témoigné contre lui, tandis que la défense n’a présenté ni témoins ni documents ». En réalité, M. Ahmed Kanté a fourni tous les documents nécessaires à la manifestation de la vérité, ce qui a permis au tribunal de Kaloum de le reconnaître non coupable. Jusqu’à preuve du contraire, c’est la présomption d’innocence qui prévaut, et elle ne saurait être balayée par des raccourcis journalistiques.
Enfin, l’article prétend qu’« une ordonnance récente de la CRIEF révèle que Kanté aurait créé GIC en utilisant des prête-noms comme actionnaires avant de devenir lui-même actionnaire ». Il s’agit là d’une affirmation gratuite : aucune ordonnance de la CRIEF ne parle de cela. Le journaliste ne fait que relayer les accusations infondées formulées par un groupe d’individus à la recherche de l’appât du gain. Il convient de rappeler que M. Ahmed Kanté n’est pas actionnaire de GIC et ne l’a jamais été.
En somme, Le Dénonciateur 224 nous offre une lecture à sens unique, où l’on oublie les éléments gênants, où l’on dramatise les incertitudes, et où l’on transforme une procédure bancale en récit à charge. Un bel exercice de style, mais certainement pas de rigueur.
Maïmouna Traoré, juriste, Paris (France)