Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Le 22 septembre 2023
Allocution
Palace Hotel, New York
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Brian, merci beaucoup. Bonjour à tous et bonjour chers collègues. Monsieur le Premier ministre, bienvenue. C’est un plaisir de voir tout le monde autour de cette table en ce moment, et je pense qu’il s’agit d’un moment critique.
Nous savons tous que la situation en Haïti est désastreuse : plus de 2 000 meurtres au cours des six premiers mois de cette année ; plus de 1 000 enlèvements au cours de la même période ; plus de cinq millions d’Haïtiens qui ont un besoin urgent d’aide humanitaire ; des dizaines de milliers d’Haïtiens confrontés à une famine catastrophique ; près de 60 000 cas soupçonnés de choléra. Près de la moitié de ces cas sont des enfants.
Quand on cite ces statistiques, je pense qu’il faut se rappeler ce qu’elles signifient, ce qu’est la réalité sur le terrain, pour le peuple haïtien, car il est facile de se perdre dans les chiffres et les abstractions. Ce sont des vies réelles et les effets sont profonds.
Pour les habitants de communes comme Cité Soleil ou Cabaret, cela signifie, en pratique, que l’eau potable et l’électricité sont coupées depuis plus d’un an. Cela signifie la fermeture d’hôpitaux et de cliniques. Cela signifie que les gens passent des journées entières sans prendre un seul repas. Cela signifie que les parents ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école. Cela signifie que les mineurs sont soumis à la conscription forcée par des gangs et que les femmes sont soumises à des violences sexuelles généralisées. Sortir en dehors du quartier, pour faire ses courses, chercher du travail, peut être, et est souvent, un arrêt de mort.
Les États-Unis sont le plus important donateur d’aide humanitaire à Haïti. Nous renforçons la Police nationale haïtienne. Et depuis juillet 2021, nous avons investi plus de 120 millions de dollars pour renforcer sa capacité à lutter contre les gangs et à stabiliser l’environnement sécuritaire. Nous prenons des mesures significatives pour lutter contre le fléau des armes illégales entrant en Haïti. Nous fournissons une aide humanitaire ; plus de 205 millions de dollars au cours des deux dernières années. Nous avons recours aux sanctions et aux restrictions de visa pour demander des comptes à ceux qui financent les gangs.
Les États-Unis sont déterminés à poursuivre et à intensifier ces efforts. Aujourd’hui, nous prenons des mesures pour imposer des restrictions supplémentaires en matière de visa à des responsables haïtiens actuels et anciens, complices de la violence. Nous avons désigné, via cette mesure, plus de 50 personnes.
Nous annonçons également 65 millions de dollars supplémentaires pour professionnaliser davantage la Police nationale haïtienne et renforcer sa capacité à démanteler les gangs et à protéger les communautés.
Cela étant dit, nous savons également qu’il nous faut tous faire davantage – bien plus. C’est particulièrement le cas compte tenu de la récente fermeture de tous les postes frontaliers entre Haïti et la République dominicaine. Nous encourageons les parties à parvenir à un accord le plus rapidement possible et, en attendant, nous demandons instamment la mise en place d’une exclusion humanitaire permettant la livraison de nourriture et de fournitures médicales.
Pour que l’aide arrive là où elle est nécessaire, pour instaurer les conditions nécessaires aux Haïtiens pour une amélioration, pour qu’un dialogue politique crucial soit rendu possible, nous savons fondamentalement que la situation sécuritaire doit être stabilisée.
Alors que la Police nationale haïtienne s’efforce de mobiliser sa pleine capacité, l’aide en matière de sécurité fournie par les partenaires internationaux peut jouer un rôle essentiel lors de la transition. C’est pourquoi les États-Unis soutiennent la mission multinationale de soutien à la sécurité, sous les auspices de l’ONU. Le gouvernement d’Haïti, la société civile haïtienne, le secrétaire général de l’ONU, l’Organisation des États américains, la CARICOM et d’autres partenaires internationaux ont chacun appelé cette mission de leurs vœux.
La proposition de cette mission actuellement soumise au Conseil de sécurité de l’ONU se veut véritablement multinationale dans ses ressources et sa nature. Pour réussir, il faut un effort collectif. Et déjà, les pays du monde entier intensifient leurs efforts.
Nous saluons et apprécions la volonté du gouvernement kenyan de jouer le rôle de pays chef de file de cette mission. Le Kenya a récemment achevé une visite d’évaluation dont nous attendons avec impatience les résultats aujourd’hui. Nous soutenons la vision du Kenya d’une mission de sécurité en trois volets : fournir un soutien opérationnel à la Police nationale haïtienne pour lutter contre les gangs, assurer la sécurité statique des installations et des voies de communication clés et renforcer les capacités de la Police nationale haïtienne sur le long terme. Hier, j’ai eu l’occasion de rencontrer le président Ruto et de discuter de cette vision, et, encore une fois, j’apprécie grandement le leadership du Kenya.
Nous remercions également Antigua-et-Barbuda, les Bahamas et la Jamaïque, qui ont tous pris des engagements en termes de personnel pour cette mission.
Les États-Unis sont prêts à faciliter une mission multinationale de soutien à la sécurité en fournissant une solide assistance financière et logistique. Nous entendons travailler avec notre Congrès pour mobiliser un soutien de 100 millions de dollars, et notre département de la Défense est prêt à fournir un soutien solide, notamment une aide à la planification, un soutien en matière de renseignement, de transport aérien, de communications et un soutien médical.
Nous exhortons la communauté internationale à promettre du personnel supplémentaire, ainsi que du matériel, des capacités logistiques, de formation et de financement. Nous ne pouvons pas réussir sans ces contributions.
Et nous exhortons vivement le Conseil de sécurité à adopter une résolution autorisant cette mission. Une résolution en vertu du Chapitre VII du Conseil de sécurité de l’ONU est une condition juridiquement nécessaire à la participation de nombreux pays. Et nous savons qu’ils le souhaitent, mais il leur faut une résolution au titre du Chapitre VII. Comme l’a déclaré le président Biden à l’Assemblée générale cette semaine, « la population haïtienne ne peut plus se permettre d’attendre ».
Les États-Unis travaillent avec l’Équateur pour proposer un texte. Nous restons en attendant conscients des leçons tirées des missions précédentes en Haïti, notamment de la nécessité de protéger les droits de la personne et de promouvoir la responsabilité. Nous reconnaissons également que l’amélioration de la sécurité doit s’accompagner de progrès réels pour résoudre la crise politique. La mission de soutien ne remplacera pas le progrès politique. En fait, elle peut contribuer à créer un espace permettant à Haïti de progresser.
Avec notre soutien, cette mission peut être déployée en quelques mois – et nous n’avons vraiment pas de temps à perdre. Nous pouvons et devons faire le nécessaire pour y parvenir. La sûreté, la sécurité et l’avenir du peuple haïtien, et des populations de toute la région, dépendent de l’urgence de notre action. Et c’est pourquoi il est si important que nous soyons tous ici aujourd’hui. Et ce qui est encore plus important, c’est ce que nous faisons aujourd’hui pour pouvoir avancer.
Merci beaucoup.